• Không có kết quả nào được tìm thấy

Alain Henry – AFD

Support documentaire : « L’argent de l’eau » de Christian Lallier

De l’importance des chercheurs en sciences sociales et économiques dans l’accompagnement des projets de développement 49

1. Un cadre d’analyse figé 51

1.1 Le cas particulier des projets d’accès aux services de base 51

1.2 Le désordre des solutions 51

1.3 Une longue suite de questions pratiques 52

1.4 L’attrait du raccourci 54

1.5 Les remèdes 54

2. Un nouveau cadre d’analyse 55

2.1 Premier cadre d’analyse 55

2.2 Deuxième cadre d’analyse (économie institutionnelle) 56 2.3 Évaluation économique : diversité d’analyses 56 2.4 Évaluation sociologique : de multiples regards 57 La recherche en sciences sociales et économiques 57

Bibliographie de référence 57

Échanges 58

Parmi l’ensemble des programmes financés par l’aide au développement, ceux qui concernent l’accès pour tous aux services de base – électricité, eau potable, assainissement, santé, éducation, etc. – constituent une catégorie bien à part. D’un cơté, ils forment le socle des politiques de lutte contre la pauvreté, répondant donc aux Objectifs de développement du millénaire (OMD).

D’un autre cơté, simultanément, ils représentent un des défis les plus difficiles à résoudre pour les experts internationaux qui doivent les concevoir.

La séance de travail proposée s’appuie sur la projection d’un film (L’argent de l’eau, film de Christian Lallier, 52 mn) montrant l’implantation – que l’on peut qualifier de réussie ? – d’un service d’eau potable dans des bourgs ruraux au Mali. À partir de cette étude de cas, la séance s’attache à montrer l’enchevêtrement des problèmes sociaux, économiques, politiques et institutionnels que les acteurs doivent résoudre.

Partout dans les pays en développement, la mise en œuvre des services de base reste une entreprise généralement incertaine. Alain Henry présente ensuite l’esquisse d’un cadre théorique. Il montre alors notamment les éclairages qui pourraient être apportés par les chercheurs en sciences sociales.

La problématique est globale. Les services de base dans les pays en développement peinent à atteindre leur autonomie. On ne compte plus les programmes d’électrification rurale qui ne dépassent pas le stade des réseaux pilotes, les projets de panneaux solaires qui n’arrivent pas jusqu’aux bénéficiaires, les systèmes d’eau potable qui ne donnent pas d’eau salubre faute de maintenance, les centre de soins sans médicaments ou bien les écoles qui n’offrent qu’un service insuffisant faute de personnels et de ressources. En réalité les programmes financés par les bailleurs de fonds sont fondés sur l’idée d’une reproduction de l’idéal type wébérien : le besoin est bien identifié (l’eau, l’électricité, l’éducation primaire, les soins de base, etc.) ; la solution technique est connue des experts sectoriels ; il suffit alors d’organiser rationnellement les services correspondants (Pritchett et Woolcock, 2002). Cette logique fournit d’ailleurs un des axiomes fondateurs des Objectifs du millénaire (Sachs, 2005) : à partir du cỏt unitaire des services, et moyennant une simple règle de trois, il est possible de calculer les montants qui permettront d’accomplir la grande promesse des OMD. Face aux difficultés et aux échecs, les bailleurs de fonds ont progressivement établis un condensé des « bonnes pratiques ». Elles composent

aujourd’hui ce qu’il est convenu de nommer le « nouveau consensus de Washington » : un mélange équilibré de responsabilisation (empowerment), de participation, de décentralisation, de bonne gouvernance, de partenariat public-privé et de transparence (à l’exemple des services publics des pays riches, qui serait représentée idéalement ici par l’image du Royaume du Danemark).

Malheureusement nombreuses sont les mégalopoles du Tiers monde et les campagnes reculées qui ne disposent pas des services élémentaires : il n’y a pas de raccourci institutionnel permettant d’aller directement du Soudan au Royaume du Danemark. L’enjeu de l’aide n’est pas la construction d’équipements nouveaux mais l’instauration d’organisations économiques nouvelles à l’intérieur de cadres sociaux spécifiques.

L’étude clinique d’un cas concret. L’analyse d’un projet d’eau au Mali s’attachera à faire ressortir la complexité de l’établissement du service dans un contexte social donné. L’arrivée des bornes-fontaines entraîne nécessairement des changements, porteurs de questions parfois inattendues : l’eau potable est-elle vraiment bonne à boire ? quelle est la valeur perçue du service ? quelle est le pouvoir des communes ? la décentralisation entraîne-t-elle vraiment une responsabilisation des communautés locales ? le don

“généreux” des bailleurs entrave-t-il l’initiative locale ? comment gérer le face-à-face de l’auditeur financier et des pouvoirs traditionnels ? comment faire évoluer les comportements ? le projet peut-il remettre en cause le statut des femmes dans la société ? En fin de compte, l’installation d’un service de base est une longue dépense d’efforts, d’explications, de tâtonnements et d’arrangements propres aux usages locaux.

On est loin de la simple définition de quelques règles invariantes, programmées initialement sous la forme

« un besoin – une solution – un service » (Pritchett et Woolcock, 2002, Henry, 2006).

L’esquisse d’un cadre théorique local. Une analyse s’appuyant sur les cadres théoriques de la sociologie et de l’économie permet cependant d’éclairer les enjeux : il s’agit d’instaurer ce que l’on nommerait des

“pratiques”, lesquelles sont intensives en transactions discrétionnaires et s’insèrent logiquement dans des usages idiosyncratiques.

En fin de compte, il s’agit en effet de créer une activité économiquement viable, capable de répondre aux demandes multiples et changeantes des utilisateurs.

Simultanément, il faut organiser des solidarités en fixant des règles publiques et donner l’accès aux plus démunis. D’un côté donc, la logique est économique, celle de l’offre et de la demande, des incitations par l’intérêt, d’une demande de performances. De l’autre côté, la logique est celle des règles publiques et

d’une distribution efficace de l’aide. La résolution des contradictions entre intérêts économiques et filet social passe par des politiques locales. Elle s’insère aussi dans les formes d’une idiosyncrasie. Considérant le contexte local, l’organisation pratique du service doit également repérer des compétences et les organiser, inciter à leur accroissement et contrôler leur qualité. Ces services de base impliquent une gestion en réseaux, intensive en transactions individuelles (i.e. des centaines d’employés servant des millions d’utilisateurs). Au-delà de quelques règles générales (par exemple une grille élémentaire des tarifs), leur gestion efficace demande des compétences diffuses, capables de décisions discrétionnaires à la base.

Pour répondre à ce besoin, le cadre d’analyse usuel des services de base fait ressortir l’institution en cascade de délégations de gestion : des citoyens vers le gouvernement, du gouvernement vers l’administration, de l’administration vers les sociétés de gestion, des sociétés à leurs employés.

Les perspectives d’analyses sont donc nombreuses et complexes. Face aux difficultés des projets, la voie couramment pratiquée reste celle qui consiste à “refaire la même chose en mieux”. Pourtant l’accompagnement de ces programmes par la recherche en sciences sociales permettrait d’éclairer les acteurs et parfois de gagner des étapes. Elle offrirait en même temps un terrain d’intérêt pour les chercheurs.

(Retranscription)

L’objectif de cette séance est en quelque sorte de lancer un appel aux chercheurs en sciences sociales et économiques pour l’accompagnement des projets de développement. Suite à la séance de ce matin1, je me place dans une démarche complémentaire et différente qui vise à les associer à l’accompagnement des projets.

Je vais dans un premier temps expliquer la démarche proposée puis présenter le contexte dans lequel a été réalisé le documentaire réalisé par Christian Lallier

« L’argent de l’eau ».

De l’importance des chercheurs en sciences sociales et économiques dans l’accompagnement des projets de développement

Tout d’abord, une des grandes activités des bailleurs de fonds est de financer des programmes d’eau potable, d’électrification, de micro-finance, de santé, d’éducation. Ces programmes de services de base sont conçus notamment par les bailleurs de fonds, y

1 J.-P. Cling, M. Razafindrakoto, F. Roubaud, L’évaluation d’impact des politiques publiques : enjeux, méthodes, résultats.

[note de l’éditeur]

compris l’AFD, avec un cadre d’analyse relativement figé : il y a un besoin – ils ont besoin d’eau potable, ils ont besoin d’électricité –, il y a une solution technique qui est connue – on sait comment on fabrique des réseaux d’eau ou d’électricité, et il suffit donc d’organiser le service. Cette logique très wébérienne est reprise par les objectifs du millénaire du développement (OMD) ó il est dit en substance : « combien de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’eau potable ? combien cỏte un branchement moyen pour accorder une famille à l’eau potable ? », puis l’on multiple le nombre de personnes par le prix du branchement afin d’obtenir les montants qu’il faudra financer sur la planète pour atteindre les OMD. Le problème est posé selon ce présupposé : « le besoin est connu, la solution technique est connue, il n’y a plus qu’à organiser le service ». Bien évidemment, la réalité est différente. Il y a un grand nombre de villages et de villes dans lesquels l’eau potable n’est pas salubre, ó les réseaux d’électricité marchent mal, ó les services de santé sont déficients. Un grand nombre de projets n’arrivent pas à atteindre leurs objectifs.

Un des objectifs de ce film est de montrer que la première erreur est de croire que pour apporter l’eau potable, il suffirait d’acheter un équipement, de construire un réseau de santé ou d’école, etc. Pour introduire un service de base dans un village ou dans une ville, il faut d’abord introduire de nouveaux comportements, créer une activité économique, des institutions, faire des choix politiques, etc. Fondamentalement un projet de développement perturbe l’ordre social. Il modifie les jeux d’intérêts. Il provoque des remises en causes dans les représentations. Il déclenche des résistances au changement. Dans le fond, l’état normal d’un projet serait d’échouer du fait des résistances naturelles aux changements.

Nous approfondirons cette question de façon plus méthodique après avoir visionné le documentaire que je voudrais rapidement présenter.

« L’argent de l’eau » : le contexte de réalisation

Le film que vous allez voir n’est pas un film de propagande pour les OMD ou de publicité pour l’AFD.

Il n’a pas été conçu sur le thème : « avant ils avaient soif, l’AFD a apporté de l’argent, à présent ils sont heureux et n’ont plus soif ! » Ce n’est pas du tout l’esprit.

J’avais rencontré un réalisateur qui avait déjà tourné un film très intéressant montrant un projet d’électrification au Mali qui échouait sous l’œil de la caméra. Je lui ai donc proposé de repartir sur le terrain, en ayant carte blanche, afin de filmer un projet d’eau potable que nous citons comme une de nos plus grandes réussites. Je supposais, en revanche, selon mes hypothèses, que tant que ce projet existe et réussit, il est forcément l’objet de disputes, de discussions, de conflits, bref d’une grande dépense

d’énergies humaines. Je souhaitais donc que le réalisateur soit libre pour enregistrer ce qui se passe sur le terrain.

Ce film est donc la chronique de l’arrivée des réseaux d’eau potable dans des villages au Mali. Il fait ressortir la complexité de l’introduction d’une activité nouvelle dans un contexte local, qui a ses contraintes et son histoire, souvent méconnues des projets. Il s’agit d’un film qui est notamment destiné aux chercheurs pour nourrir leur réflexion et leurs recherches.

Le réalisateur a accompagné des équipes d’animation et de gestion du projet, puis il a monté un film de 52 minutes, montrant l’histoire véritable au ras du terrain. On n’y voit pas l’AFD, on ne voit que les sociologues, les gestionnaires, les assemblées des villages. Puis, après ce premier film, nous avons renvoyé le réalisateur dans les villages ou aussi à la rencontre des chercheurs en France et au Mali, afin d’obtenir des commentaires sur ces images. Il a ensuite monté ce film de 52 minutes qui raconte la vie du projet tout en étant ponctué par des commentaires.

On peut y voir que le projet eau potable fonctionne plutơt bien, mais soulève néanmoins de multiples conflits et discussions. Par exemple, pour l’implantation du premier réseau d’eau dans un village (comment choisir les bénéficiaires des premiers branchements ? ó faut-il implanter les premières bornes fontaines ?).

Par exemple, avec l’apparition de conflits entre les pouvoirs municipaux et les associations d’usagers de l’eau créées par le projet (qui doit gérer l’argent de l’eau ?). Par exemple, on observe en filigrane la pression des bailleurs de fonds et des sociologues de terrain, afin d’obtenir un meilleur équilibre des rơles entre les femmes et les hommes dans la gestion des projets. Vous verrez que nos partenaires maliens ont bien compris cette dernière demande, mais que cela n’est pas toujours simple…

On se retrouve donc dans un peu moins d’une heure.

Stéphane Lagrée

Je vous propose tout d’abord de commencer par une présentation méthodologique puis nous laisserons une demi-heure à trois-quarts heures d’échanges avec le public.

Alain Henry

Il suffit de regarder le film pour vérifier qu’il atteint bien un des ses objectifs, qui était de montrer à quel point le déroulement d’un projet soulève des questions et des débats. Vous avez vu que les nombreux intervenants questionnés ont des avis contradictoires. L’implantation d’une telle activité économique créée une perturbation de l’ordre social. Elle donne largement matière à

Projection de L’argent de l’eau (cd rom joint)

analyse en sciences sociales, économiques et en anthropologie.

Je voudrais considérer brièvement l’aspect méthodologique afin de laisser la place au débat.

Le film montre qu’il existe sur le terrain un grand nombre de questions non résolues. Pour mieux les appréhender les bailleurs devraient probablement changer le cadre d’analyse.

Mon développement suivra trois grands points : 1. le cadre relativement figé des bailleurs de fonds ; 2. les désordres socio-économiques introduits par

le projet ;

3. les voies possibles d’un nouveau cadre d’analyse.

Je conclurai par un appel à la collaboration des chercheurs.

1. Un cadre d’analyse figé

1.1 Le cas particulier des projets d’accès aux services de base

Touts les projets que nous finançons ne relèvent pas nécessairement de la question traitée ici. Lorsque les bailleurs financent une station de traitement d’eau pour une grande ville, la problématique est celle d’un investissement industriel. De même, lorsque nous faisons de l’aide budgétaire, nous nous intéressons plutơt aux réformes publiques. Nous ne parlerons ce matin que d’une variété des projets d’aide publique : l’accès aux services de base. Il s’agit cependant d’un type de projets particulièrement ciblés sur la lutte contre la pauvreté et la réduction des inégalités.

Cependant, dans cette catégorie, on ne trouve pas que l’accès à l’eau potable, mais aussi l’électricité, l’assainissement, la santé, l’éducation de base, la microfinance, et l’ensemble des services sociaux et économiques en réseaux. Ils impliquent généralement un grand nombre d’enjeux et de changements sociaux et économiques, alors même qu’ils sont projetés de l’extérieur. A priori, cela devrait rater !

1.2 Le désordre des solutions

Cela devrait échouer… et cela échoue souvent.

Bien des projets AFD sont dans ce cas, je veux bien le reconnaỵtre, mais l’Agence n’est pas seule. La Banque mondiale et bien d’autres collègues sont dans ce cas.

Nous avons par exemple des projets ó les panneaux solaires ne sont pas arrivés aux bénéficiaires, des projets d’électrification qui n’ont pas franchi le stade d’opération pilote, des réseaux de santé dans lequel on est mal soigné, des projets d’eau potable dans lequel l’eau n’est pas buvable, etc.

Or, jusqu’à présent, les bailleurs de fonds ont raisonné dans un cadre d’analyse unique évoqué précédemment : il existe un besoin – l’eau, la santé, l’éducation –, il existe une solution technique connue – les pompes à eaux, les infirmiers, les professeurs –, il n’y a donc plus qu’à organiser un service selon le modèle d’organisation des services, selon une conception wébérienne de la gestion administrative et économique rationnelle des services publics. Or ce cadre d’analyse conduit à de nombreux échecs. Pourtant, face aux difficultés rencontrées, les bailleurs de fonds, ont réagi selon une formule bien connue : « Plus cela rate, plus on recommence ! ». Face aux difficultés rencontrées, les experts ont tenté de faire la même chose, en mieux.

Par exemple, on a toujours prơné des démarches participatives. Face aux échecs, on a ajouté dans les projets des sociologues, mais bien souvent, c’était pour faire la même chose. Disons que l’on a cherché une logique « plus » participative. Malgré ces efforts, malgré des projets qui impliquent mieux les communautés locales, un grand nombre de cas progressent difficilement ou ne sont pas durables : une fois que le financement s’arrête, l’école se ferme, les pompes s’arrêtent, le service se dégrade.

Le cas particulier des projets d’accès aux services de base

> Variété d’applications de l’aide publique

> Ciblés sur la lutte contre la pauvreté et pour la réduction des inégalités

* électrification de base, eau potable, assainissement, santé, éducation de base, micro finance…

> Nœud d’enjeux politiques, sociaux, économiques, financiers, culturels

* normalement « ça doit rater »

La solution et les remèdes

> L’échec du modèle « besoin-solution-service »

* politiques et programmes en approche top-down

* déséquilibres des cỏts et dérives politiques

> L ’échec des trois remèdes (ex. eau potable)

* stade 1 : « le même en mieux »

* stade 2 : prise en compte du local et de la demande ----> l ’engagement des bénéficiaires

* stade 3 : plus participatif à chaque niveau organisation

> La longue liste des cliniques sans médicaments, des puits sans pompes, etc.

* échec maintenance - service - paiements - ...

Pas de raccourci du Soudan au Royaume de