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Stéphane Lagrée

Merci Olivier pour ces cartes, ces photos, ces schémas. Merci également pour avoir fait parler – c’est assez rare – des ruraux, des paysans avec qui tu as pu partager ces moments près des rizières, pour ces différentes trajectoires de vie mises en lumière mais aussi pour avoir mis en évidence la primauté de l’approche sociale.

Je laisse la parole au public qui, je pense, devrait réagir avec force sur les différentes thématiques développées.

Rémy Bour, Centre de recherche urbaine et de développement, Hồ Chí Minh Ville

Je voudrais tout d’abord remercier Olivier Tessier pour cet exposé très intéressant. Ma question porte sur les successions. Lorsqu’il y a un décès, hérite-t-on des dettes et des créances des parents ? Qui hérite ? Est-ce le fils aỵné ? La famille entière ? Peut-on distinguer le travail en commun, les héritages de travail en commun et le don, la charité pour les événements exceptionnels ?

Olivier Tessier

On transmet effectivement la dette. Le système est ouvert, les funérailles sont prises en charge par les enfants. Si les parents étaient créanciers, les enfants vont recevoir la contrepartie de ce qui est dû aux parents. Cela participera effectivement à la réalisation de l’organisation des funérailles.

Les funérailles des parents sont en quelque sorte l’occasion de recevoir le remboursement de l’aide donnée par les parents. Il y a effectivement un système de transmission, de remise différée de la dette.

Sur l’échange de travail, je n’ai pas été amené à travailler sur ce thème dans la mesure ó l’engagement dans le système porte sur peu de jours de travail et la dette est acquittée dans un délai très court, souvent dès le lendemain. Mais une fois de plus, il s’agit ici d’une dette positive, avant tout une dette sociale. On est tout à fait dans un autre schéma que la relation patron/client, dans un système de caste ó l’on transmet la charge, sa relation de client par rapport à un patron.

Rémi Bour

Existe-il des contrats tacites entre les familles ? Olivier Tessier

Il n’y a pas de contrats. C’est l’organisation locale qui imprime la trame, l’étendue du réseau.

Des femmes m’expliquaient qu’elles savaient par qui elles allaient être invitées à travailler en commun : elles savent que chaque année, au moment de la récolte, la femme de leur frère viendra les voir.

Elles devancent quasiment l’appel. Le réseau est stable. Par contre, l’objet, dans la mesure ó il est rendu, est éphémère. Sa stabilité n’est que dans la connaissance sociale de l’autre.

Stéphane Lagrée

Je vous propose de prendre deux ou trois questions peut-être avant et non pas de répondre au coup par coup, ce qui permettra à l’intervenant de mieux organiser ses réponses.

Lê Văn Nam, Centre de recherche urbaine et de développement, Hồ Chí Minh Ville

Je pense qu’il faut ajouter d’autres éléments à étudier comme la notion d’équivalence de capacité.

Dans une société rurale agricole, les femmes connaissent bien leurs tâches et le travail comme le repiquage, la récolte. Il faut parler de savoir-faire.

Dans les provinces du Sud, il existait aussi cette forme d’échange mais depuis peu, depuis que des équipements plus modernes ont été introduits dans la production agricole, cette forme est limitée.

L’industrialisation de la production agricole dans le Sud limite l’échange.

Phạm Thái Quốc, Institut d’économie et de politique mondiale

Vous avez dessiné une belle image de la culture des zones rurales du Việt Nam.

Dans la présentation il est évoqué deux pơles, le voisinage et la parenté. Mais je pense qu’il faut aussi citer les relations d’alliance (« thơng gia ») entre deux familles. L’économie de marché se développe au Việt Nam, la main-d’œuvre est plus disponible.

Cela limite les formes d’échanges. La structure de la vie rurale a aussi changé, les gens ne travaillent plus uniquement dans les métiers agricoles : ils travaillent aussi en ville, diversifient leurs activités.

Cette forme d’échange de travail se manifeste très clairement dans les événements exceptionnels.

Je pense que le développement de l’économie de marché a beaucoup contribué à la croissance économique du Việt Nam mais ce processus affecte les spécificités sociales de la vie rurale.

Nguyễn Thị Văn, Institut de sociologie

Je voudrais aussi apporter quelques commentaires à la présentation. Premièrement, en ce qui concerne l’entraide agricole et les échanges de

Échanges…

travail, les études sur l’agriculture au Việt Nam ont montré qu’auparavant les terres agricoles étaient en propriété individuelle, elles sont devenues collectives ultérieurement. Des différences existent entre les provinces du Sud et du Nord. Dans le Nord, tous les membres travaillent sous l’ordre de la coopérative et les échanges de travail sont nécessaires car les terres sont distribuées à chaque famille en fonction de la force de travail.

Les échanges de travail et l’entraide agricole ont bien fonctionné des années 70 au début des années 90. Votre étude porte sur la fin des années 90 dans une province de la moyenne région. Y a-t-il des différences entre les provinces montagneuses et les celles du delta ? Je partage aussi l’idée de Phạm Thái Quốc qui souligne que la répartition du travail et les formes d’aide et d’entraide dans la production ont beaucoup changé. L’exode rural s’est renforcé. Le nombre de travailleurs au sein de la famille diminue, beaucoup d’hommes et de femmes partent en ville chercher un emploi. Je me demande si les échanges de travail surtout au moment du repiquage ou de la récolte existent toujours. Ceux qui travaillent en ville reviennent-ils dans leur village ? Cette étude a été menée il y a dix ans, pensez-vous la renouveler afin de comparer les situations ?

Lưu Bích Ngọc, Centre de population, Université nationale d’économie, Hà Nội

Les questions soulevées dans votre étude sont très intéressantes, notamment les notions de réciprocité. Ces notions existent dans les communautés villageoises et, de façon plus large, concernent les questions de mentalité au Việt Nam.

Cela existe en ville. Certains aspects touchent la corruption. Comment peut-on définir la corruption ? Cela est très difficile à mesurer. Il faut considérer les caractéristiques culturelles du pays.

Hồng Xuân Trường, Centre de recherche et de développement des systèmes agraires

Je remercie l’auteur pour son exposé. Je suis né et j’ai grandit dans la province de Phú Thọ ó l’étude a été menée. J’ai pratiqué ces formes d’échange de travail et d’entraide.

Je voudrais juste ajouter quelques éléments complémentaires. Dans le cadre des échanges de travail et de l’aide, les autorités locales ont leurs places, comme par exemple pour l’organisation des funérailles ou la construction d’une maison.

Un foyer concerné par ces évènements peut informer les autorités locales qui mobilisent les villageois. Pour les familles les plus pauvres qui ne sont pas capables de rembourser la dette, les autorités locales peuvent venir en aide à ces foyers.

J’espère que l’auteur va approfondir encore cette étude en abordant le caractère communautaire de l’entraide rurale et urbaine. Cette question peut servir de thème à une autre étude qui concerne l’apport de la modernisation et de l’industrialisation sur les échanges de travail. L’industrialisation conduit à une diminution importante de l’échange et de l’aide.

Nguyễn Thị Thu Hằng, Institut de recherche sur les religions

Merci à l’intervenant pour son étude très concrète qui nous donne une vision pertinente pour nos futurs travaux. Je voudrais demander à Olivier si au cours de votre étude vous avez pensé au remboursement de l’aide par les relations sociales. D’après mes observations et mes entretiens qualitatifs, certaines personnes ont quitté leur village pour trouver du travail en ville, ils ont abandonné leurs terres et ne peuvent par revenir dans leur village natal pour récolter. Ces gens demandent à d’autres villageois de récolter leurs terres. Quand on leur demande comment ils vont rembourser cette aide, ils disent que peut-être ils aideront leurs enfants à trouver du travail. Je voudrais savoir si vous avez traité ce sujet au cours de vos enquêtes.

Olivier Tessier

Il y a dans vos interventions beaucoup de commentaires. Je vais donner mon impression par rapport à ce que j’ai entendu plutơt que répondre spécifiquement à chacune des questions posées.

Effectivement, cette étude a dix ans. La question de l’industrialisation, des migrations vers les villes est un point essentiel. Est-ce que ces pratiques perdurent ? Emmanuel Pannier fait actuellement sa thèse sur des objets similaires, en tout cas comparables dans un village du delta du fleuve Rouge. Une mise en perspective historique serait intéressante. J’aimerai bien retourner au village et passer trois semaines sur ce thème qui m’avait passionné par sa portée sociale.

Lors des premiers entretiens avec les paysans, le discours était normatif : tout le monde s’entraide, tout le monde s’aide en permanence. J’ai donc fait des enquêtes au bord des rizières, en notant qui était qui, qui faisait quoi. J’avais la chance d’avoir constitué auparavant un fonds exhaustif des généalogies de tous les groupes de parenté présents au village. Ce qui est intéressant est de retourner voir les familles après avoir fait le traitement des enquêtes et de dire : « mais en fin de compte, vous me dỵtes que tout le monde s’entraide mais ce n’est pas vraiment vrai parce que... ». On me répondait aussitơt : « ah oui, il faut

comprendre ! Il y a des familles pour qui cela n’est pas facile ». La confrontation est intéressante : on croise les sources, on commence à confronter l’analyse discursive, le discours normatif avec un autre moyen de recension qui est l’enquête directe au bord du champ. Le but n’est pas de mettre les paysans mal à l’aise mais de dire que la réalité que vous décrivez n’est pas exactement celle que j’ai relevée sur le terrain.

Sur le salariat, sur le phénomène de migration, quand j’ai fait ma thèse, quasiment tous les foyers du village comptaient au moins un des membres qui travaillait à Hà Nội, Phú Thọ, ou dans le district de Thanh Ba. Il n’y avait pas de foyer qui abandonnait la terre, il y avait vraiment une stratégie de migration raisonnée au niveau du groupe domestique. C’est-à-dire qu’on envoyait généralement des jeunes gens célibataires, filles ou garçons, qui profitaient des réseaux de villageois déjà installés à Hà Nội. Par exemple, je me rappelle d’un restaurant populaire, près du Văn Miếu (Temple de la littérature) ; lors d’un repas, j’ai rencontré treize villageois ! Je faisais ma thèse à Phú Thọ à 130 km. Leurs réseaux avaient fonctionné.

Les stratégies de migration étaient raisonnées à l’échelle du foyer, on ne laissait pas de terres en friche. Il y avait plutơt une stratégie d’utilisation raisonnée de la main-d’œuvre. Les jeunes gens étaient assez fiers de partir à Hà Nội ou à Phú Thọ, un peu comme un rite de passage. On revenait généralement au village après trois ou quatre ans avec une moto chinoise, avec l’argent qu’on avait accumulé. Généralement, ils avaient une chaỵne stéréo, beaucoup de dépenses ostentatoires et de loisirs.

Aujourd’hui, le mouvement de salariat et de départs s’est accentué, des chefs de famille quittent désormais le village. Quand il y avait un réel déficit de main-d’œuvre, les foyers n’ont pas recours à l’échange de travail mais au salariat. Les quelques familles que j’ai vues utiliser des salariés pour le repiquage ou la récolte n’étaient pas capables de rendre ce qu’ils recevaient, elles ne pouvaient pas respecter les termes de l’échange. L’équivalence est très importante. On échange des choses simples et qui sont quantifiables. Vous disiez, toutes les femmes du village savent repiquer et récolter. Je voyais de très jeunes filles dans les rizières et on m’expliquait que dès 13, 14 ans une jeune fille produit et travaille à l’équivalence d’une femme de 25 ans et cela jusqu’à 70 ans. Il en est

de même pour les biens qui sont les supports de l’aide. Le riz, une poule, un cochon représente une somme d’argent donc une équivalence possible, notion essentielle dans le système d’aide. On sait ce qui est équivalent parce qu’une villageoise sait repiquer. Il y a peut-être une femme qui repique un peu mieux qu’une autre mais ce qui est échangé est identique. Il y a très peu de conflits autour de l’aide ou de l’entraide.

Sur l’histoire des pratiques d’entraide. Pendant la période de collectivisation, entre 1954 et 1960, les pratiques d’entraide ont été institutionnalisées.

Le Parti, afin de préparer la collectivisation à venir, encourageait la formation d’équipes de travail.

On s’est inspiré des pratiques traditionnelles d’entraide pour les formaliser en imposant aux familles de travailler ensemble selon un cadre standard ó la finalité n’était plus la création et l’entretien de relations sociales mais la production économique. L’échec a été complet. Pendant ces six années d’institutionnalisation, les groupes étaient pour la plupart virtuels. On a essayé de formaliser une pratique dont justement la seule structure, la seule organisation, est le lien social. On a voulu la structurer en une pratique récurrente. Cela est complètement antinomique avec les pratiques d’entraide ó les partenaires de l’échange sont liés par des relations simples bipartites singulières qui peuvent être rompues à tout moment. Concrètement, une fois que vous m’avez rendu mon « demi cơng » [demie journée de travail], c’est terminé. Si on ne veut plus entretenir des relations d’échange, on en n’entretient plus, sans autre conséquence.

Sur le thème de la corruption, Bayard, un sociologue français, a écrit un livre fort intéressant « La politique du ventre »1, sur un système de redistribution qui fait écho à votre question. Il traite de la République démocratique du Congo, ex-Zạre. Il analyse d’un point de vue sociologique toutes ces pratiques de redistribution, d’aide et de réseau. Je me souviens d’une anecdote. Ce pays est largement corrompu.

Bayard a étudié sous l’angle de la corruption la compagnie ắrienne Air Zạre. Air Zạre avait trois ou quatre avions qui fonctionnaient, les liaisons étaient à peu près maintenues. Les pilotes de ligne détournaient le carburant. Puis un zạrois formé en Europe est arrivé. Il a pris la tête de la compagnie et a voulu tout remettre à plat [transparence, bonne gouvernance]. Au final, deux avions se sont écrasés dans l’année qui a suivit. Dans les sociétés africaines, on ne peut pas raisonner la corruption

1 Bayard J.F. (1989) : L’Etat en Afrique, La Politique du ventre, Éds Fayard, Paris. [note de l’éditeur]

en termes manichéens « le bien contre le mal ».

Il y a toute une pratique de redistribution au sein de réseaux complexes et je ne suis pas sûr que les pratiques d’entraide vous aiderez beaucoup à comprendre ces systèmes de réseau. Ce sont des réseaux clientélistes et hiérarchisés. Ils sont assez différents des réseaux simples qui sont mis en œuvre dans les campagnes vietnamiennes.

Emmanuel Pannier, doctorant projet FSP, Institut de sociologie/Université de Provence

J’étudie en effet les systèmes de don, de contre-don et d’échange de travail. Pour l’instant, je ne peux pas donner une photographie complète de la situation parce que je suis en phase de collecte de données. Le contexte est différent : la période bien sûr mais aussi la région puisque je travaille dans une province du delta du fleuve Rouge.

Mais sur les principes de fonctionnement de fonds, je retrouve vraiment la même chose bien qu’il y ait des différences de forme liées à la modernisation, à l’industrialisation.

Je reviens de neuf jours passés au bord des champs. J’ai l’impression que les échanges de travail s’intensifient. Pourquoi ? Les maris migrent et les femmes se trouvent seules à la maison. Si une famille a quatre sào, que l’homme est absent, que sa fille étudie en ville, la femme est obligée de faire des échanges de travail. On peut discuter le degré d’obligation mais, de fait, il y a beaucoup de femmes qui continuent de cultiver leurs champs et pratiquent l’échange. Un déterminant fort est la parenté autour de chez soi, le groupe de résidence dont a parlé Olivier Tessier. Dans le Nord, les machines n’ont pas encore remplacé la force de travail. Le besoin de main-d’œuvre existe. On constate malgré tout une augmentation du salariat. Cette tendance va de pair avec le mouvement de monétarisation de l’économie. Comment peut-on l’expliquer ? J’ai remarqué que les foyers qui utilisent le salariat pour la récolte ou le repiquage ne sont pas forcément des foyers dont un membre de la famille a migré. Ceux sont des foyers qui ont tendance à abandonner l’agriculture et qui ont développé localement une petite boutique, un magasin. Ils ont des revenus extra-agricoles et vont recruter pour récolter leurs champs. J’ai recensé tous les foyers qui ont ouvert localement un commerce. Ils vont récolter chez leurs parents ou chez les proches pour aider. Ils ferment leur magasin la matinée, ne récoltent pas leurs champs mais vont récolter chez leurs mère qui est âgée, chez le père ou la mère de leur femme.

En ce qui concerne la pratique du don et du contre-don, j’ai pu remarquer un mouvement de

monétarisation des échanges : on donne de l’argent principalement. La réciprocité est un peu différente. Avec Đặng Việt Phương, nous travaillons sur la question, notamment pour l’organisation des funérailles. Les échanges atteignent un niveau important et les individus ne se souviennent plus de mémoire à combien de personnes ils doivent et combien. Ils ont des carnets, des cahiers entiers, ó ils écrivent combien leur a donné chaque personne.

Après sur le fait de donner plus, « giúp thêm », c’est un peu différent. Je n’ai pas de cas de gens qui diffèrent dans le temps le retour, le contre-don.

Ils vont donner plus, pourquoi ? Du fait de l’inflation, de l’augmentation des cỏts de la vie. Cela est calculé. Il y a une réciprocité qui est vraiment précise.

Une forme d’échange tend à disparaỵtre. Quand on fabrique sa maison, en tout cas dans le district de Giao Thủy (province de Nam Định), ó je mène mes recherches, les familles embauchent systématiquement des gens pour fabriquer la maison parce que les maisons sont à étage, en dur. Cela nécessite un savoir-faire particulier. Les futurs propriétaires de la maison aident à faire les tâches simples et les parents vont venir aider éventuellement avec les frères et sœurs. Ce n’est pas vraiment un échange de travail mais « làm giúp ».

Une aide qui n’appelle pas un remboursement rapide. Le voisin ne vient pas.

Olivier Tessier

Lors de la construction de la maison, il s’agit toujours de tâches simples, qui ne dépassent pas une journée de travail : creuser la fondation, poser la charpente, rentrer le mobilier. Il n’y a pas de systèmes d’aide qui vont embrasser toute la procédure de la construction de la maison pendant plusieurs journées. On est purement dans la symbolique sociale.

Ce que disais Emmanuel à propos de la monétarisation est très important : l’inflation de la circulation est telle que les gens doivent noter. Il n’y a pas d’exigibilité légale mais moralement il y a obligation, il y a un regard très strict de la société locale sur ce qui circule. Si un des partenaires commence à transgresser la norme, les individus ne vont pas vouloir respecter les termes de l’échange.

La transgression, ne pas rendre la contrepartie, n’engage pas que le partenaire mais l’ensemble de la société locale car toutes les familles ont des biens, des valeurs qui circulent dans les réseaux.